Naissance, vie et fin d’un lot de copropriété
Anne Muzard
En copropriété, chaque copropriétaire est propriétaire des parties privatives comprises dans son lot ainsi que d’une quote-part de parties communes ; il en « use et jouit librement » sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble (L. n° 65-557, 10 juillet 1965, art. 9). Par ailleurs, cette liberté comporte des limites, dès lors qu’un copropriétaire souhaite modifier un lot. Vente, achat, ou envie de changer son mode d’occupation ? A chaque situation correspondent des règles précises à respecter. Quelle est l’étendue de cette liberté en cas de division d’un lot, ou bien lors de la réunion de plusieurs lots ? Dans quelle mesure est-il possible de transformer un lot ?
1. Division d’un lot de copropriété
Le principe est la liberté de division d’un lot de copropriété. Toutefois, cette liberté est encadrée par deux législations : le statut de la copropriété (a) et la loi SRU (b).
a. Règles issues du statut de la copropriété
Tout d’abord, la division ne peut porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble. Cette atteinte relève de l’appréciation des juges du fond, lesquels s’attachent essentiellement au standing de l’immeuble (Cass. 3e civ. 4 mai 1995, n°93-10.785).
Par ailleurs, le règlement de copropriété ne doit comporter ni interdiction, ni restriction. De telles clauses interdisant ou limitant les divisions de lots sont admises dès lors qu’elles sont justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation (L. n°65-557, 10 juillet 1965, art. 8 al. 2. Cass. 3e civ., 6 mai 1987, Loyers et copr. 1987, comm. 278). Tant que leur illicéité n’a pas été prononcée par un juge, elles doivent être respectées.
En outre, en tout état de cause, la répartition des charges entre les fractions issues du lot subdivisé est, lorsqu’elle n’est pas fixée par le règlement de copropriété, soumise à l’approbation de l’assemblée générale statuant à la majorité prévue à l’article 24 (L. n°65-557, 10 juillet 1965, art. 11, al. 2).
Si la division s’accompagne de travaux affectant les parties communes, les copropriétaires réunis en assemblée générale devraient se prononcer à la majorité de l’article 25, sans préjudice des autorisations administratives qui seraient nécessaires.
b. Règles issues de la loi SRU
L’article L.111-6-1 du code de la construction et de l’habitation (Créé par la loi SRU dans sa rédaction issue de la loi Alur) interdit toute division d’immeuble en vue de mettre à disposition des locaux à usage d’habitation :
• d’une superficie et d’un volume habitables inférieurs respectivement à 14 m2 et à 33 m3,
• ou qui ne sont pas pourvus d’une installation d’alimentation en eau potable, d’une installation d’évacuation des eaux usées ou d’un accès à la fourniture de courant électrique,
• ou qui n’ont pas fait l’objet de diagnostics amiante en application de l’article L. 1311-1 du code de la santé publique.
• ou sont soumis à un risque de saturnisme lorsque l’immeuble relève des dispositions de l’article L. 1334-5 du même code.
Ainsi, un lot ne peut être qualité de local d’habitation que si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
• sa superficie et le volume habitable sont respectivement supérieurs à 14 m2 et à 33 m3,
• il est pourvu d’une installation d’alimentation en eau potable, d’une installation d’évacuation des eaux usées ou d’un accès à la fourniture de courant électrique.
A défaut, les sanctions encourues sont une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 75 000 euros. Pour certains auteurs, les divisions irrégulières encourraient en outre la nullité absolue, pour violation d’une règle d’ordre public (V. Lafond J., Loi SRU et pratique notariale de la copropriété, JCP N 2001, n° 17, p. 767).
Par ailleurs, le logement donné en location doit, outre être en bon état d’entretien, d’usage, de réparation et de fonctionnement (L. n° 89-462, 6 juillet 1989, art. 6.), répondre aux critères de décence du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. Les critères sont très nombreux. Nous préciserons ici uniquement que le logement doit disposer au moins d’une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 m2 et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 m soit un volume habitable au moins égal à 20 m3 (D. n° 2002-120, 30 janv. 2002, art. 4. V. également CCH, art. R. 111-2 al. 2 et 3).
2. Réunion de lots de copropriété
Le principe est également la liberté de réunion de plusieurs lots de copropriété contigus détenus par un copropriétaire unique.
Toutefois, de la même manière, cette réunion ne doit pas porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble (CA Paris, 23e ch. B, 17 mars 2005, Loyers et copr. 2005, comm. 123, obs. G. Vigneron).
Ainsi, si la réunion nécessite le percement de murs ou de planchers qualifiés de parties communes (L. n°65-557, 10 juillet 1965, art. 3), les copropriétaires réunis en assemblée générale devraient au préalable autoriser la réunion physique à la majorité de l’article 25. En cas de refus, le copropriétaire pourrait solliciter l’autorisation du tribunal de grande instance (L. n°65-557, 10 juillet 1965, art. 30).
La réunion de lots pour constituer un lot unique peut nécessiter l’appréhension physique de parties communes, comme des couloirs ou des paliers communs. En pareil cas, l’acquisition de la partie commune concernée devra être au préalable être agréée à la majorité de l’article 26.
Il résulte des règles de publicité foncière que ne peuvent être réunis :
• des lots grevés de charges différentes (D. 14 oct. 1955, art. 71-6 al. 5) ;
• un lot principal et des locaux secondaires (caves, chambres de service) (D. 14 oct. 1955, art. 71-2). La réunion de lots ayant des affectations différentes nécessite une modification de la consistance (Cf.3°).
La consistance d’un lot de copropriété, comme la transformation de commerce en habitation, peut être modifiée sous les conditions suivantes :
• respect de la destination générale de l’immeuble (Cass. 3e civ., 20 mai 1998, n° 96-16.235) ;
• absence d’atteinte aux droits des autres copropriétaires ;
• approbation par les copropriétaires réunis en assemblée générale. En effet, la quote-part des parties communes afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l’ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l’établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation (L.n°65-557, 10 juillet1965, art. 5).
Un cas particulier mérite une attestation particulière. Il s’agit de celui de l’augmentation de surface dans l’emprise d’un lot existant, notamment par la création d’une mezzanine.
3. Transformation d’un lot de copropriété
Une telle opération a pour effet d’utiliser le droit de construire, lequel est un accessoire des parties communes (L. n° 65-557, 10 juillet1965, art. 3.). Par conséquent, l’accord préalable des copropriétaires réunis en assemblée générale à la majorité de l’article 26 est requis. A défaut, le délai de prescription est celui des actions réelles savoir trente ans (Cass. 3e civ., 10 janv. 2001, n° 99-11.607).
La loi Alur ayant supprimé le COS dans les communes dotées d’un PLU, ou d’un PSVM, certains considèrent que dans les communes dans lesquelles le COS avait été supprimé, les travaux d’installation d’une mezzanine à l’intérieur d’un lot privatif, ne constituent plus l’exercice d’un droit de construire commun requérant une autorisation préalable des copropriétaires réunis, et ce même si la création de surface de plancher nécessitait l’obtention d’une autorisation d’urbanisme.
Nous ne partageons pas totalement cette analyse. En effet, le droit de construire demeure un droit accessoire aux parties communes et appartient à la collectivité (112° Congrès des Notaires, 2012, 3° Commission, n° 3227).
La création de lots privatifs impose de leur affecter des tantièmes de parties communes et de charges, et par suite de les leur céder. De la même manière, la création d’une mezzanine au sein d’un lot existant doit également nécessiter la modification de sa désignation et l’attribution et la cession des tantièmes de parties communes et de charges supplémentaires.